Archivage électronique et mémoire

Article mis en ligne le 12 septembre 2008

On a souvent tendance à associer l’archivage électronique à la mémoire. Ce réflexe est d’autant plus naturel au moment où les particuliers dématérialisent de plus en plus leur correspondance et leurs photos. Se pose dès lors la question de la conservation dans la durée de ce patrimoine informationnel personnel dans des coffres-forts électroniques. A y regarder de plus prêt, pourtant, l’archivage électronique n’a pas les défauts (ou les qualités) de la mémoire.

***

Au cours de l’été 2008, le quotidien Le Monde a consacré une série d’articles consacrés aux « métamorphoses de la mémoire ». Le premier réflexe de l’auteur de ces lignes a été d’éplucher consciencieusement le sixième volet de la série consacré aux « gardiens de la mémoire », c’est-à-dire à l’archivage électronique.

L’article aborde le cas du désormais célèbre projet du projet MyLifebits mené depuis plusieurs années par Gordon Bell. Rappelons que l’ambition de ce chercheur de Microsoft est de procéder à l’enregistrement numérique exhaustif de tous les fragments de sa vie quotidienne (photos, courriers, billets d’avion, mail, etc.) et de disposer des moyens d’accéder à cette masse phénoménale d’information. Le journaliste du Monde résume brillamment la singularité, voire la démence d’une telle ambition avec quelques formules chocs : « C’est comme une carte qui serait plus grande que le territoire », « plusieurs vies seraient nécessaires pour seulement visionner ces données. », « un projet qui ferait de chacun son propre Big Brother ».
L’opinion générale exprimée par les différents « gardiens de la mémoire » interrogés dans le cadre de l’article est que la duplication et les migrations des données à conserver sont devenues indispensables. Malgré cela, des domaines échappent encore pour l’instant aux pratiques de conservation, comme « les jeux en ligne, ces mondes parallèles, avec leur économie et leur mémoire propres ».

Le lecteur en ressort avec le sentiment que l’archivage électronique aura encore bien des domaines à explorer et d’étapes à franchir avant de devenir une véritable « mémoire numérique ». Est-ce que cela est finalement si préoccupant ? En effet, le troisième volet de l’enquête du Monde – « Tous les souvenirs sont faux » – nous a fait découvrir que « la mémoire est une œuvre de fiction » pour reprendre la formule d’Erik Kandel, prix Nobel de médecine qui précise : « La mémoire est une reconstruction d’une reconstruction qui change en permanence. Pour chaque souvenir, il y a une chance de distorsion ». C’est ainsi que de nombreuses personnes, avec un conditionnement approprié, peuvent avoir la certitude d’avoir rencontré le personnage de Bugs Bunny, le lapin de Warner, à Disneyland (ce qui est impossible les deux entreprises étant concurrentes).

Finalement l’archivage électronique, avec ses caractéristiques de dates exactes et d’intégrité de l’information, a donc peu de chose à voir avec la mémoire telle que la définisse les neuropsychologues ou les psychothérapeutes. Une véritable « mémoire numérique » devrait avoir la capacité naturelle de transformer, d’embellir ou d’oublier les informations qui lui sont confiées en fonction de la personnalité de son utilisateur. Pour l’instant, ce serait plutôt un thème pour un roman de Science-fiction qu’un éventuel projet de R&D.

Arnaud Belleil

 

Sources :

  • Les métamorphoses de la mémoire 3/6 – Tous les souvenirs sont faux, Hervé Morin, Le Monde, 17 Juillet 2008
  • Les métamorphoses de la mémoire 6/6 – Quels gardiens pour la mémoire ?, Hervé Morin, Le Monde, 20 Juillet 2008

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